jeudi 8 avril 2021

Le bicentenaire Charles Baudelaire







Le volume Les fleurs du mal se distingue tout d'abord par son architecture très élaborée, une première section marquant la tension entre le spleen et l'idéal, de sorte que plus tard, à travers un crescendo savant, on atteind  la révolte et la mort. 

 Le poète donne la priorité au fantasme, à l’imagination sans limites: il faut aller, dit-il, «au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau».

Il y a des poèmes dans lesquels Baudelaire glorifie la beauté, qu'il voit comme un sphinx incompréhensible,  mais l'évoque aussi dans son ambivalence, jaillissant du ciel ou de l'enfer. Mais l'aspiration demeure, comme dans l'Invitation au Voyage, à un monde où tout est "ordre et beauté, / luxe, calme et plaisir". 

Les textes du cycle du spleen traduisent une crise existentielle douloureuse, accentuée par l'obsession de la mort.

Verlaine, Rimbaud et Mallarmé trouvent leurs racines dans le lyrisme de Baudelaire.





L’Invitation au Voyage

Charles Baudelaire

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
– Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857)

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